Au théâtre ce soir

Un homme et une femme
ENTRETIEN

Ricil, bas résille et talons aiguilles, c'est tout de femme vêtue que Photios Kourgias débarque pour nous parler de Philippa. Ou bien serait-ce Philippa, son double, qui dévoile un peu de Photios ? Ce jeune comédien avait déjà fait le coup dans Cid, travesti en Infante. Voici qu'il donne encore plus de leste à ses fantasmes.

Comment est née Philippa ?

Quand il était plus jeune, Photios aimait porter les jupes de sa mère. Puis, en deuxième année à l'Insas, dans le cadre d'un travail sur le fantasme, il a eu l'idée de se travestir en femme pour donner des cours de danse et de maintien à ses camarades de classe. En troisième année, Philippa a repris les commandes et a fait quelque chose de curieux : elle s'est attablée face à deux mannequins pour leur raconter ses angoisses. Et là, tout à coup, ses parents sont mis à nus. Ces mannequins représentent le silence, la non-reconnaissance de ce fils qui leur dit : reconnaissez-moi, je suis là, je suis elle ! L'ambiguïté, c'est que derrière Philippa, il y a aussi un homme. Alors, pourquoi elle ? Pour se protéger ? Parce que Philippa ose tout : afficher son mal-être, dire des choses révoltantes.

Elle ne peut exister que sur scène ?

Si je m'habillais comme ça dans la vie, on me prendrait pour un fou. Philippa n'existe qu'artistiquement. Pour le moment, elle n'existera que 30 minutes par soir. J'espère un jour pouvoir exister deux heures. Mais je ne sais ce que le public va penser de Philippa. Le public est un oeil qui lui permet d'exister. Il n'y a que comme ça qu'elle peut être entendue et reconnue. Et puis, elle n'est qu'un personnage artistique pour que les gens puissent rire. Je ne suis pas là pour angoisser les gens, leur dire que le monde va mal.

Philippa avoue aussi qu'elle veut couper son sexe.

Effectivement, elle avoue à ses parents qu'elle est transsexuelle. Mais n'est-ce pas une manière de cacher son homosexualité ? Et puis, elle est aussi dans le fantasme, le fantasme d'être une femme, d'être dans l'extravagance, la folie des grandeurs, la puissance absolue. Ce sexe qu'elle veut couper, c'est de la provocation, pour dire que ces gens existent et qu'on n'en parle presque pas. La provocation est parfois la seule façon d'avoir une oreille, une écoute. Une manière de dire : arrêtons de jouer les hypocrites, retirons le masque !


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