Tous les samedis, dans Libération, l’actualité vue par un intellectuel, un écrivain, un artiste.
Le samedi 19 janvier, c’était Christophe Honoré.
Extrait :
Lundi. La mime Cotillard
Rapide coup d’œil sur les résultats des Golden Globes, et c’est donc confirmé, Cotillard a gagné dans la catégorie meilleure actrice de comédie. Passé l’accablement, une logique apparaît : ce film-là avec cette performance est bien le passeport le plus juste de la France d’aujourd’hui. On peut s’en plaindre, mais aucune raison de s’en étonner. Cotillard et ses accessoires, latex, gouaille, guenille, perruques, toute la panoplie de l’actrice qui s’émerveille de composer, et qu’on place au milieu du plan comme un corps glorieux qu’on expose, du cinéma bling-bling, obscène, abusif et sans pensée. Du cinéma qui nous représente parfaitement. On peut toujours rêver aux autres actrices, celles qui font respirer un plan plutôt qu’elles ne l’étouffent, celles qui savent exprimer un sentiment en contrebande, les actrices délicates, tremblantes, celles qui restent au plus près d’elles-mêmes pour s’ouvrir à l’autre. On peut rêver et se mordre les poings pour ne pas hurler la honte qu’on ressent devant ce qu’on tente de nous faire passer pour du cinéma populaire et qui n’est que mépris du cinéma et mépris du peuple. Les mots n’ont plus de valeur, confusion absolue du sens, c’est la loi admise du temps présent. «Qu’est-ce que le cinéma ?» Alain Bergala avait répondu dans un numéro de Trafic : «Un art où le retrait de l’artiste devant la réalité de son modèle est réputé ontologiquement impossible.»
La semaine en entier :
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